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Rencontre avec Louis, co-fondateur de Tirelires d’avenir

Aujourd’hui, nous vous proposons la retranscription de notre entretien avec une personnalité de l’action sociale qui ne nous est pas inconnue. Nous avons pu échanger avec Louis, co-fondateur de l’association Tirelires d’avenir sur son association et leurs projets.


Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Bonjour, je m’appelle Louis, j’ai 29 ans, j’ai fait des études de commerce et j’ai bossé en Finance de marché pendant 2 ans. J’ai grandi à Marseille et suis le co-fondateur de Tirelires d’avenir.

Pourquoi avez-vous choisi de vous mobiliser en faveur de l’action sociale ?

Ca s’est un peu imposé à moi, je l’ai ressenti dans mes tripes pourtant je n’étais vraiment pas prédestiné à faire du social. J’ai fait des études de commerce, puis j’ai bossé en Finance de marché. En 2018, j’ai démissionné de mon taff. J’ai un peu tout lâché car j’ai vraiment ressenti le besoin de faire quelque chose de beaucoup plus humain.

De base, je savais que j’avais envie d’entreprendre mais je ne savais juste pas encore dans quoi. J’ai donc démissionné pour prendre le temps de réfléchir à tout ça et c’est vraiment courant 2018 que j’ai compris que je voulais m’engager dans l’action sociale.

Il fallait que je fasse quelque chose en rapport avec l’humain. Je n’en pouvais plus de voir des gens dormir dans la rue, souffrir de la précarité etc.. Ça me dérangeait foncièrement et c’était comme une évidence, ça s’est imposé à moi !

Pouvez-vous décrire votre association et vos projets ?

Chez Tirelires d’Avenir, on fournit des aides financières à des jeunes majeurs qui sont en situation de rupture familiale.

En général, on a affaire à 2 types de profils, les jeunes qui sont issus de l’aide sociale à l’enfance qui sont plus ou moins bien encadrés jusqu’à leur 18 ans et une fois la majorité obtenu qui se retrouvent assez isolés car pratiquement rien n’est mis en œuvre pour permettre leur insertion en société et l’accession à l’autonomie devient donc un concept très lointain pour eux.

Le deuxième type de profil, ce sont les jeunes qui sont issus de l’immigration qui sont arrivés en France en fin d’adolescence ou à peine majeur, ils ont une absence de soutien familial notamment sur le plan financier et sont encore assez loin de l’autonomie.

Le troisième type de profil qui est plus marginal ce sont les jeunes qui ont été exclus de leur foyer du fait de leur orientation sexuelle ou leur orientation de genre.

Nous ce qu’on fait chez Tirelires d’avenir, c’est qu’on va venir aider ces jeunes là. Ils sont suivis par des associations qui sont nos partenaires. Nous avons trois partenaires associatifs pour le moment qui sont Le Refuge, Les apprentis d’Auteuil et Courant Entraide.

Ces trois associations assurent l’hébergement et l’accompagnement social global. Nous, on complète cette double expertise de nos partenaires par le soutien financier pour que les jeunes encadrés puissent se concentrer sur leur avenir, se projeter, commencer à se poser des questions sur leur orientation et se construire en tant que jeunes adultes.

On demande à ces jeunes de devenir adultes bien trop rapidement alors qu’ils sont dans l’urgence du quotidien.

On leur demande de trouver des revenus très rapidement or tout ce qu’on leur propose est limité, l’hébergement est limité, l’accompagnement est limité dans le temps. On va leur dire qu’ils seront aidés pendant 1 an puis après tout s’arrête.

En somme, on demande à ces jeunes de devenir adultes instantanément alors qu’ils n’ont pas nécessairement d’argent et sont sans arrêt en train de se demander comment ils vont manger chaque midi, comment ils vont se vêtir, comment ils vont avoir du crédit téléphonique, comment payer les transports en communs etc.. Chaque jour est un combat et une remise en question.

Quand tu es dans cette urgence quotidienne, il est quasiment impossible de se projeter sur ton avenir, qui tu es et ce que tu as envie de faire. De plus, il y a aussi toutes les démarches administratives à réaliser quand on passe à l’âge adulte qui peuvent s’avérer compliqué.

On leur demande des choses qui ne sont pas cohérentes avec ce qu’un jeune de 18 ans lambda est capable de faire. Donc nous ce qu’on fait c’est qu’on les aide financièrement, on leur permet de pouvoir sortir de l’urgence du quotidien afin qu’ils puissent se concentrer sur la réalisation de tout le reste. Nous les aidons sur des périodes qui vont de 1 mois à 1 an parfois plus.

Sur quel(s) territoire(s) êtes-vous actifs ?

Pour le moment, nous sommes actifs en Île-de-France. Nous sommes dans une phase d’explosion avec énormément de demandes pour notre action de la part d’associations de terrain. Nous recevons plusieurs demandes de structures différentes notamment à Marseille.

Quel a été votre plus grand défi jusque là ?

Monter cette association a été un défi en soi. Par principe, ce qu’on fait ressort du domaine de l’Etat. En effet, verser de l’argent à des bénéficiaires c’est vraiment quelque chose qui est considéré comme de l’action publique par les gens en général.

C’est pour cela que d’emblée, quand on explique aux gens ce que l’on fait, il y a déjà une incompréhension même dans le domaine associatif. Il y a avait une vraie appréhension au départ par rapport à l’impact du support financier qu’on voulait apporter, il a fallu convaincre le public de la pertinence de notre action.

Historiquement, il est vrai qu’en France on considère l’action sociale de manière très verticale en considérant les personnes les plus vulnérables que comme des bénéficiaires à qui on doit donner sans forcément s’adapter à ceux qui leur convient le mieux.

Chez Tirelires d’avenir, on pense différemment.

Plutôt que de de donner aux bénéficiaires sans les consulter au préalable comme si on savait tout mieux qu’eux, nous préférons à l’inverse, apprendre à les connaître, recueillir leurs besoins personnels, réfléchir là-dessus et ainsi proposer notre aide.

Quel a été votre moment le plus marquant dans l’action sociale pour le moment selon vous ?

Récemment, nous avons réussi à créer un partenariat avec Lydia, une néo-banque. On s’est rendus compte que la plupart des jeunes en situation de rupture familiale et en situation de précarité n’ont pas de compte bancaire. Très souvent, ces jeunes ne sont pas français et demandeurs d’asile. Ou même quand ils sont français, ils ont des problèmes de papiers, ils n’ont pas leurs cartes d’identité à jour ou les parents ont gardé les papiers. Donc parmi ces jeunes là, très peu ont un compte bancaire car si les banques n’ont pas tous les papiers nécessaires, elles n’acceptent pas les demandes.

Encore pire quand tu es demandeur d’asile en France car cela coûte trop cher pour les banques de suivre le statut administratif d’un demandeur d’asile.

Évidemment, pour nous qui fournissons un soutien financier à ces jeunes, nous devions donner de l’argent en espèce ce qui ne pouvait plus durer d’un point de vue comptable entre autres. Il a fallu donc trouver une solution.

Nous avons donc monté un partenariat avec Lydia ou nous nous tenons garant de l’avancement du statut des jeunes demandeurs d’asile que nous encadrons. Si jamais il y a une évolution dans le statut d’un jeune qui ne va pas dans le bon sens, nous prévenons Lydia pour stopper le compte et être dans les règles.

En échange, Lydia accepte d’ouvrir un compte à ces jeunes là, avec un RIB français. Ainsi ils pourront recevoir de l’argent, avoir un salaire, effectuer des virements, payer avec une carte. C’est une vraie fierté pour nous car ça a débloqué des situations super difficiles.

Imaginez vous, avant cela il y avait des jeunes qui devaient se débrouiller au quotidien avec des pièces dans les poches et cela est compliqué rien que pour régler un loyer par exemple. Certains devaient donner de l’argent en espèce à des amis afin qu’ils puissent faire un virement à leur propriétaire à leur place.

On ne s’en rend pas forcément compte mais avoir un compte bancaire, c’est un facteur d’inclusion non négligeable. C’est extrêmement valorisant de pouvoir avoir un compte bancaire à son nom et ça nous facilite grandement la tâche.

Quels sont les objectifs pour votre association à court/moyen terme ?

Notre objectif pour 2021 est d’aider 100 jeunes. Nous avons pu en aider 15 en 2020. Et notre deuxième gros objectif aussi est de pouvoir soutenir des jeunes qui ne sont pas suivis par l’une de nos structures partenaires ( Le Refuge, Les apprentis d’Auteuil et Courant Entraide) et qui sont encore plus précaires que les jeunes que nous aidons actuellement. Certains vivent dans la rue et ne sont pas soutenus du tout donc notre but cette année est aussi de pouvoir les aider.

Par ailleurs, notre objectif à long terme avec mon co-fondateur Benoît, c’est d’agir en faveur du revenu universel, c’est faire en sorte qu’il n’y ai aucun citoyen en France qui vivent avec moins de 1000-1500 euros par mois. Notre fer de lance c’est la redistribution des richesses afin que personne ne vivent avec moins qu’un revenu de base qui permet d’avoir une dignité minimale.

Où peut-on trouver votre association sur le net  ?

N’hésitez pas à venir nous contacter sur Instagram : @tireliresdavenir, nous adorons Instagram car nous trouvons que c’est un excellent moyen pour nouer le contact avec les jeunes. Nous sommes une association composée de jeunes et nous voulons créer ce pont générationnel pour agir pour les jeunes en difficulté.

C’est aussi pour cela que depuis 6 mois, nous développons un programme de binômage afin que des jeunes qui sont peut-être plus favorisés puissent se mettre en contact avec des jeunes qui le sont moins afin d’échanger, s’entraider et créer du lien. On propose donc aux jeunes qu’on soutient de se mettre en binôme avec un jeune de leur âge qui n’est ni en situation de précarité ni en situation d’exclusion et bénévole chez Tirelires d’avenir.

On est pas dans une logique de mentorat mais plutôt dans l’optique de créer une relation horizontale afin que des jeunes avec des parcours et des expériences différentes puissent se soutenir mutuellement.


Plus d’infos sur leur site : https://tireliresdavenir.com/

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